A mesure que l’on s’approche de Thousand Oaks, l’air se charge de relents de brûlé, derniers stigmates de la succession de drames qui se sont abattus sur cette localité californienne au début du mois de novembre. « On a à peine eu le temps de digérer la première tragédie qu’on s’est retrouvé au milieu de la seconde », explique dans un soupir Erika Beck, la présidente de l’Université d’Etat de Californie à Channel Islands (CSUCI).
Dans les dernières heures de mercredi 7 novembre, un homme ouvrait le feu au Borderline Grill & Bar, un établissement de cette petite ville paisible de la banlieue nord-ouest de Los Angeles, faisant douze morts. Quelques heures plus tard, dans la nuit de jeudi 8 à vendredi 9, un ordre d’évacuation était donné à la population en raison des feux qui ravageaient les alentours.
« Je n’ai pas beaucoup dormi durant cette période », glisse dans un sourire fragile Linda Parks, la superviseuse du comté de Ventura, où se trouve la localité. Après avoir passé la nuit aux côtés des proches des victimes de la tuerie du Borderline Grill & Bar, l’élue de 61 ans, qui réside elle-même à Thousand Oaks, s’est trouvée contrainte de faire ses valises sous la menace des flammes. Deux nuits sombres qui restent intimement liées dans sa mémoire : « Notre appréhension de cette catastrophe change nécessairement après avoir partagé durant des heures la détresse des familles qui ont perdu l’un des leurs. »
« Le plus frustrant, c’est qu’on était prêt »
Depuis ces drames, Mme Parks s’occupe d’un projet de pépinière pour venir en aide aux personnes souffrant de pathologies mentales. Si elle nourrissait cette idée depuis quelques mois déjà, celle-ci s’est imposée comme une évidence « après la tragédie du Borderline ». Selon certains experts, le tireur, Ian David Long, ancien marine de 28 ans qui avait servi en Afghanistan, souffrait d’un syndrome de stress post-traumatique. Et puis, il y a eu les feux : « Entre les équipes de secours qui ont été sur le pont sans discontinuer, et les habitants marqués par les évacuations et les destructions, de nombreuses personnes ont besoin d’un espace pour relâcher la pression. »
L’élue, qui s’est installée dans la région en 1988, a déjà connu des incendies destructeurs. Entre décembre 2017 et la mi-janvier, le Thomas Fire avait ravagé 14 078 hectares dans les comtés de Ventura et Santa Barbara et détruit 1 063 bâtiments. Aussi, quand le feu est revenu au début de novembre, les habitants pensaient-ils être prêts : « Le plus frustrant, c’est qu’on savait quelle stratégie adopter quand le premier départ de feu, le Hill Fire, s’est déclenché : il fallait l’empêcher d’atteindre l’autoroute. »
Il vous reste 70.09% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.