C’est sur un ultime désaccord que les trois juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont commencé, le 22 novembre, le délibéré qui déterminera la suite de la procédure contre Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. Après des jours d’audience, l’ancien chef des Jeunes patriotes avait souhaité conclure lui-même les plaidoiries de ses avocats. Mais deux des trois juges l’ont débouté, contre l’avis du président de la chambre, l’Italien Cuno Tarfusser. Ces divisions récurrentes entre les magistrats promettent de longues délibérations dans le nouvel épisode de ce procès ouvert en janvier 2016. Elles laissent planer bien des incertitudes sur son issue, même si les partisans des accusés crient déjà victoire.
L’ancien président de la Côte d’Ivoire et son éphémère ministre de la jeunesse sont poursuivis pour des « crimes contre l’humanité » qui auraient été commis à la suite de l’élection présidentielle de 2010. Le combat fratricide entre les camps des deux candidats qualifiés pour le second tour avait fait, selon l’ONU, plus de 3 000 morts. Au terme de la crise, en avril 2011, Alassane Ouattara prenait la tête du pays. Quelques mois plus tard, Laurent Gbagbo était envoyé à La Haye.
En écartant l’un des protagonistes d’une décennie de crise politique, la procédure de la CPI aurait de facto pu aider à pacifier un pays coupé en deux après la tentative de coup d’Etat de 2002. Mais, si la ligne de front qui la scindait a disparu avec la victoire de l’ex-rébellion en 2011, la Côte d’Ivoire reste profondément divisée. Et le procès de La Haye est devenu le miroir de ces divisions.
Démonstration fragile
Après l’audition des 82 témoins de l’accusation, les deux accusés auraient dû appeler leurs témoins à décharge. Mais leurs avocats ont demandé l’acquittement ou, à défaut, le non-lieu. Pour eux, le dossier du procureur serait à ce point vide qu’il n’y aurait rien à contrer. Entre le 1er octobre et le 22 novembre, défenseurs et procureurs ont donc confronté leurs thèses.
Menant l’accusation dans ce dossier, Eric Macdonald assure que Laurent Gbagbo aurait, avec son cercle proche, dont Charles Blé Goudé, élaboré un « plan commun » pour conserver le pouvoir, en ciblant les civils, partisans supposés d’Alassane Ouattara. Mais, début octobre, le Canadien expliquait qu’un tel plan criminel est « très rarement prouvé par des ordres écrits directs » et demandait donc aux juges de déduire de certains faits la responsabilité des deux hommes. « Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une politique basée sur des actions de l’Etat », disait-il avant de citer en exemple le fait d’interdire une marche sur la Radio-Télévision ivoirienne (RTI) en décembre 2010.
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