Les plus anciennes pierres taillées associées à des ossements d’animaux portant des traces de débitage remontent à 2,6 millions d’années et ont été trouvées à Gona, en Ethiopie. Cette culture lithique semble s’être répandue au-delà de l’Afrique de l’Est bien plus tôt qu’on ne le pensait. C’est ce que suggère la présence en Algérie d’outils de pierre et d’ossements en portant la marque, vieux de 2,4 millions d’années.
Présentée dans la revue Science du 30 novembre, la découverte est due à une équipe internationale dirigée par Mohamed Sahnouni, du Centre de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques d’Alger. Jusqu’à présent, les plus anciennes pierres taillées algériennes étaient datées de 1,8 million d’années. Mais les fouilles sur le site d’Aïn Boucherit, au sud-est d’Alger, ont permis de mettre au jour deux gisements plus anciens, vieux respectivement de 2,4 millions et 1,9 million d’années.
Leurs découvreurs les qualifient d’« oldowayens », terme qui désigne une technique de taille rudimentaire, dont les premiers témoignages remontent donc à 2,6 millions d’années en Afrique de l’Est – les gorges d’Olduvai, en Tanzanie, lui ont donné son nom. Même s’ils sont encore peu raffinés, ces outils le sont plus que les cailloux fracassés de 3,3 millions d’années retrouvés au Kenya sur le site de Lomekwi 3, que leur découvreuse, la Française Sonia Harmand, qualifie de « lomekwiens ». Rappelons en effet que les premiers tailleurs de pierres n’étaient pas humains. Ils débitaient grossièrement des galets, voilà 3,3 millions d’années, avant même que le genre Homo fasse son apparition dans cette région du monde. Mais ceci est une autre histoire…
Revenons donc aux outils algériens, plus récents et associés à des traces de débitage, d’éviscération et de dépouillement trouvés sur des os de mammifères de différentes tailles, et à leurs fabricants, encore inconnus. « On ne peut pas dire clairement s’ils chassaient, mais ces vestiges montrent sans ambiguïté qu’ils pouvaient avec succès entrer en compétition pour la viande avec les carnivores et bénéficier d’un accès privilégié aux carcasses d’animaux », note la taphonomiste Isabel Caceres, de l’université de Tarragone (Espagne), cosignataire de l’étude.
Technologie « de rupture »
La présence de ces outils élargit donc dans le temps et l’espace le cercle des industries lithiques oldowayennes, technologie dite « de rupture ». « Les variantes observées entre l’est et le nord de l’Afrique pourraient résulter des différences dans le type et la qualité des matériaux utilisés, ou être liées à la recherche de fonctions que nous devons encore identifier », écrivent Mohamed Sahnouni et ses collègues.
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